Quels enjeux derrière le report de la suppression des cookies tiers ?
![Vers la fin des cookies tiers par Google](https://splio.com/wp-content/uploads/2024/04/Cookies-tiers_WP.png)
Catégorie : Data
Les Français ont passé en moyenne 2h24 par jour sur Internet en 2023 selon Médiamétrie et acheté l’équivalent de 160 milliards d’euros en 2023 selon la Fevad.
Des ventes en ligne en forte croissance année après année qui sont en partie dues à la possibilité pour les marques d’adresser au mieux leurs visiteurs grâce au suivi de l’historique de navigation, notamment via les cookies web.
Et si l’historique de navigation des Français était jusqu’à présent une mine d’or pour les marques, et plus particulièrement les équipes marketing digital – autant pour les équipes en charge de l’acquisition que celles en charge du CRM et de l’animation client, la suppression définitive de l’accès aux données récoltées par les cookies tiers dans les mois à venir risque de remettre en cause le business model établi depuis plus de trente ans.
Si certains navigateurs ont déjà sauté le pas en supprimant les cookies tiers, Google, via son navigateur Chrome chez qui les deux tiers du trafic web mondial transite, vient de nouveau de repousser l’échéance. Le challenge pour le géant du web : offrir une alternative qui satisferait autant les objectifs business des marques et que les attentes de confidentialité des visiteurs-consommateurs.
Avec le report de 2022 à 2024, Google semblait chercher à gagner du temps mais c’est contraint par la Competition and Markets Authority (CMA) que le géant a annoncé un nouveau report à 2025. En effet, l’autorité de la concurrence et des marchés britannique étudie l’alternative proposée par Google, la Privacy Sandbox, qui vise à remplacer les cookies tiers tout en préservant la confidentialité des utilisateurs et en soutenant les besoins publicitaires. Elle souhaite également s’assurer qu’avec cette solution Google ne s’offre pas un avantage certain par rapport à ses concurrents.
Dans cet article, nous vous proposons de retracer l’histoire des cookies web, d’évoquer le cadre légal dans lequel les marques doivent évoluer, d’évaluer l’impact de la suppression des cookies tiers pour les équipes marketing digital et de mettre en lumière les alternatives connues à date et qui sont à disposition des équipes CRM aujourd’hui.
C’est Lou Montulli qui a pour la première fois eu recours aux cookies web, et ce dès juin 1994 ! Il cherchait déjà à l’époque à répondre à l’un des plus grands challenges du marketing digital : comment identifier les visiteurs réguliers d’un site Web afin de leur offrir une expérience personnalisée. Un problème qui, trente ans plus tard, est de nouveau au cœur de l’actualité avec la suppression des cookies tiers.
Pour comprendre toutes les subtilités relatives à la suppression des cookies tiers, il est important de bien avoir en tête les définitions clés. Selon la CNIL :
Qu’il soit interne ou tiers, le fonctionnement et le but du cookie reste le même : déposer un tracker sur des pages en ligne pour récolter des données de navigation sur les visiteurs de la dudite page. La principale différence se trouve donc dans la source de collecte de la data. Dans le cas des cookies internes, les données sont récoltées sur un site appartenant à la marque ayant mis en place le cookie. Les données sont donc récoltées et utilisées par la même entité. Alors que ce n’est pas le cas pour les cookies tiers.
Et c’est précisément cette différence qui, dès 1996, avait fait réagir l’IETF (Internet Engineering Task Force). A l’époque, les cookies tiers avaient déjà considérablement évolué et étaient déjà utilisés à des fins publicitaires (ciblage et personnalisation). L’organisation à but non lucrative créée aux premiers jours du web avait très rapidement mis en garde face à la montée en puissance des cookies tiers et recommandé à tous les navigateurs de bloquer par défaut tout cookie qui ne proviendrait pas directement du site visité pour préserver la vie privée des internautes.
Si la question des cookies tiers avait été soulevée dès 1996 par une organisation non gouvernementale, quelles directives ont été mises en place par l’Union Européenne pour protéger la vie privée des internautes et quelles actions ont été prises par les géants d’Internet ces dernières années ?
Qui dit fin des cookies tiers, dit inévitablement moins de données récoltées. Quand on sait que Google Chrome détient 64,8 % de parts de marché des moteurs de recherches en 2023 (Adimeo), cela fait une part non négligeable de données qui ne seront plus disponibles pour les marques à des fins commerciales. C’est un business model qui doit se réinventer pour satisfaire à la fois les marques et les internautes.
Une suppression qui engendre deux changements principaux d’habitude :
Ce remue-ménage généré par la suppression des cookies entraîne une refonte complète des stratégies marketing digital telles que nous les connaissions depuis trente ans. Les équipes marketing ne pourront plus compter sur ces données récoltées sur des sites tiers et vont devoir se fier davantage à leurs données propriétaires pour comprendre les comportements et les préférences des internautes.
Cela étant, la suppression des cookies tiers ne sonne pas la fin du marketing digital ! Il est évident que les équipes acquisition devront réfléchir à des alternatives pour la collecte des données des utilisateurs et revoir en profondeur leurs stratégies d’acquisition :
Pour les équipes CRM et animation client, les changements sont minimes. Rares étaient celles qui utilisaient les cookies tiers comme triggers pour l’élaboration de leurs scénarii de marketing automation, préférant d’ores et déjà se fier à leurs données internes de navigation. En effet, les cookies first-party récoltant des données en lien avec la navigation sur le site e-commerce, il était déjà plus performant pour la conversion de proposer des scenarii personnalisés par rapport aux pages produit visitées et aux données propriétaires.
Cependant, cette suppression des cookies tiers donne une nouvelle dimension à explorer aux équipes CRM. En effet, pour affiner et compléter les données propriétaires à leur disposition grâce aux cookies first-party, elles devront de plus en plus avoir recours aux données déclaratives. A l’inverse des données recueillies passivement grâce aux cookies first-party, les données déclaratives sont recueillies de manière active sur la base de « l’intérêt légitime ». Un point que le RGPD précise car au-delà du consentement, la dimension d’intérêt légitime autorise les marketeurs à recueillir uniquement les informations dont ils auront besoin pour mener à bien leur stratégie. Cela passera notamment par des enquêtes en magasin ou des formulaires en ligne, où les utilisateurs fournissent en toute conscience des informations sur leurs préférences, leurs intérêts et leurs besoins. Mettre en place un programme de fidélité est d’ailleurs un bon moyen de récolter plus de données propriétaires sur ses clients afin de leur proposer des parcours personnalisés.
Avec la fin des cookies tiers, la vision à 360° du parcours de chaque client sur le web prend fin pour les marketeurs. Cependant, moyennant quelques investissements dans l’analyse et la gestion des données – par exemple en intégrant une Customer Data Platform, l’impact pour les équipes CRM reste faible.
Le succès de la stratégie CRM reposait déjà en grande partie sur l’utilisation des données propriétaires (pages produits visitées, achats réalisés en ligne et/ou magasin, etc.) et il y a fort à parier qu’il en sera de même pour l’avenir. La base de données des retailers est une mine d’or dont le potentiel n’est, à ce jour, pas encore pleinement exploité par les équipes marketing digital. Nul doute qu’après un changement d’habitude et une réorganisation, cette « re-concentration forcée » sur les données propriétaires sera bénéfique pour les marques du retail.
Sommaire