Comment limiter la pression que les marketeurs exercent sur leurs clients ? La réponse facile est la suivante : ils devraient envoyer moins d’e-mails. Mais est-ce vraiment si simple ? Découvrez notre vision et solutions.
Qu’est-ce que la pression marketing ?
Nous pouvons définir la pression marketing par le nombre de messages qu’une marque envoie à ses clients sur une base quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle.
Une question très courante aujourd’hui pour les marketeurs CRM est de savoir quel est le nombre maximum d’e-mails qu’ils peuvent envoyer à leurs clients sans générer trop de fatigue marketing.
Combien de messages peuvent-ils envoyer chaque semaine ? Doivent-ils envoyer au moins un message par semaine et par utilisateur ? Ils observent bien souvent leurs concurrents, sans vraiment trop savoir s’ils doivent adopter les mêmes stratégies.
Et avec le marketing CRM multicanal, qui ajoute les notifications push, les pushs web, les SMS, aux canaux plus classiques du print et de l’e-mail, il devient encore plus difficile de répondre à toutes ces questions.
Dans cet article, nous allons essayer de vous apporter quelques réponses sur la pression marketing.
Tout a commencé par la publicités télé
Il convient de commencer par faire un peu l’histoire de la publicité car les questions relatives à la pression marketing sont bien connues depuis longtemps.
Pour les entreprises de grande consommation qui vendent leurs produits dans les hypermarchés ou les épiceries, il était essentiel d’être bien connu par leurs consommateurs, qui arpentaient les allées des magasins.
La bataille pour la “présence à l’esprit” a donc commencé ainsi. Unilever avait besoin que le consommateur pense à sa marque Dove chaque fois qu’il voulait acheter du savon.
De nombreuses études ont montré que la notoriété de la marque avait un réel impact sur les achats, une fois dans les supermarchés. Et il a été prouvé que la répétition d’un message était la clé de la sensibilisation à un produit.
Une étude assez récente datant de 2015, réalisée par les chercheurs Schmidt et Eisend a confirmé que la répétition était nécessaire et a calculé que la propension maximale d’acheter une marque était atteinte après environ dix expositions. Ils ont montré que le rappel augmente linéairement et ne se stabilise pas avant la huitième exposition (et ils ont également précisé que le niveau optimal était en réalité probablement atteint avec moins de répétitions).
La répétition est alors devenue cruciale pour les annonceurs. À tel point qu’elle est même devenue un élément déterminant pour la tarification des campagnes télévisées. Dans le domaine de la publicité, vous pouvez acheter des GRP (gross rating point) qui mesurent l’impact de la publicité.
Un GRP est calculé comme un pourcentage du marché cible atteint, multiplié par la fréquence d’exposition. Ainsi, si vous faites de la publicité auprès de 30% du marché cible et que vous les exposez 4 fois à vos messages, vous aurez 120 GRP. La répétition de l’exposition est le KPI central lors de la définition du prix d’un plan média. Inutile de dire que la pression marketing est importante dans ce contexte.
Mais cela ne pouvait pas être aussi simple. En tant que téléspectateur, tout le monde a déjà eu l’impression d’avoir vu trop souvent la même publicité. Une marque peut ainsi commencer à être négativement présente à l’esprit.
La théorie des 2 facteurs, développée dans les années 1970 par Daniel Berlyne, professeur de psychologie à l’université de Toronto, décrit ce phénomène. Elle explique que la répétition a un effet positif pendant une période, avant d’avoir un effet négatif.
Pendant la première phase, appelée « wear-in », la répétition d’une publicité permet aux consommateurs de se familiariser avec la marque. Pendant cette phase, la répétition peut casser la réticence des consommateurs à acheter un nouveau produit ou une nouvelle marque. Au fur et à mesure que la répétition se poursuit, les consommateurs s’habituent à la marque et peuvent entrer dans une deuxième phase, appelée “wear-out”. Dans cette phase, les consommateurs se lassent d’entendre parler de la marque et la répétition peut les amener à cesser d’acheter le produit ou la marque.
Cela illustre ce que les économistes appellent la loi des rendements décroissants.
Et dans le marketing digital ?
La répétition est également une question importante dans le marketing digital. Des acteurs majeurs du numérique comme Facebook ont publié des recherches intéressantes sur ce sujet.
En 2016, des chercheurs du département Marketing Science de Facebook ont publié les résultats d’une étude concernant les campagnes de branding.
Elle montre que la fréquence hebdomadaire optimale était de 2 impressions.
La première impression capture 80 % des résultats potentiels et la seconde permet d’atteindre 95 %. Cela signifie que lors de la deuxième répétition d’une campagne par semaine, l’augmentation générée est très faible et ne justifie pas nécessairement d’investir davantage.
Ainsi, grâce à cette étude de Facebook, il apparaît que les impressions publicitaires numériques semblent également être régies par la loi du rendement décroissant, même si le rendement négatif n’apparaît pas dans cette étude.
Quel est le lien avec le CRM ?
Bien entendu, le marketing CRM est un autre moyen pour les marques de parler à leurs clients. Et exactement comme pour les publicités télévisées, les marques ont la possibilité de parler à leurs clients plusieurs fois par semaine. Mais il existe tout de même quelques différences avec les publicités télévisées.
L’une de ces différences est que l’envoi d’e-mails est quasiment gratuit, ce qui permet aux marques d’envoyer autant de messages qu’elles le souhaitent, sans limite de budget. Et pour de nombreuses entreprises, pas de limite budgétaire signifie “pas de limite” ✌️
Une autre différence est que, comme pour le reste du marketing digital, les marketeurs savent exactement ce que font les clients derrière leur écran. Ils savent s’ils ont ouvert ou cliqué sur un e-mail, où ils ont cliqué et ce qu’ils ont fait ensuite sur leur site web. Les marketeurs CRM devraient utiliser cet avantage pour être plus pertinents dans leur gestion de la pression marketing.
Gérer la pression marketing dans le CRM
La pression marketing est un souci pour la majorité des marketeurs CRM
L’e-mail marketing a débuté au début des années 2000, depuis que les utilisateurs ont commencé à donner leurs adresses e-mail aux entreprises pour s’inscrire sur leurs sites web.
Au départ, les stratégies d’emailing étaient proches de celles de la publicité télévisée (et cela reste très vrai pour de nombreuses entreprises).
Puis des stratégies plus perfectionnées sont apparues. Différents types d’e-mails ont été envoyés : dans un but d’amélioration de l’image de marque (pour optimiser la notoriété de l’entreprise comme le feraient les publicités télévisées) ou dans un but commercial (pour réaliser une vente post-clic directement en ligne).
Le succès de l’e-mail marketing s’est accru au fil du temps et a conduit les entreprises à envoyer de plus en plus d’e-mails. Mais certaines entreprises ont poussé le bouchon un peu trop loin et ont commencé à spammer leurs utilisateurs. La réaction des clients à ce spamming a été de se désabonner des listes e-mails des entreprises. C’est le retour négatif d’une utilisation trop intensive de l’e-mail, et les entreprises peuvent y perdre un moyen fiable et bon marché de promouvoir leurs produits.
Dans notre rapport “The State of CRM 2022” publié en ce début d’année, 100 responsables du marketing digital nous ont dit ce qu’ils pensaient de la pression marketing.
Il est apparu que la gestion de la pression est une préoccupation pour 89 % de nos répondants et que 58 % la surveillent régulièrement.
Parmi les « meilleures entreprises » (les plus centrées sur le client et les plus axées sur les données, pour résumer), nous observons que 53 % d’entre elles disposent même d’un outil spécifique pour gérer cette pression.
Comment limiter la pression marketing ?
La réponse à cette question est simple : les marketeurs devraient envoyer moins d’e-mails.
Mais nous savons tous que les responsables CRM ne sont pas les seuls à prendre des décisions, les category managers ont en général une voix forte dans les entreprises et insistent pour envoyer plus de campagnes. D’autant plus qu’ils considèrent qu’il s’agit d’un canal « gratuit » et qu’ils n’auront pas besoin de trouver de budget pour y communiquer.
Télécharger le guide de la pression marketing
Alors comment les marketeurs peuvent-ils réagir aux demandes internes de leurs entreprises ?
Le premier réflexe des équipes CRM est d’ajouter de plus en plus de produits dans leurs e-mails. Cela peut sembler logique pour les marketeurs, mais un peu moins pour les clients, qui doivent faire défiler des e-mails sans fin.
Une autre option consiste à envoyer davantage d’e-mails. Mais plus d’e-mails signifie plus de pression et, au final, une entreprise peut s’exposer à une explosion de son taux de désabonnement.
Comment rester orientés clients ?
Nous nous sommes concentrés sur la pression marketing en ne tenant compte que des besoins de l’entreprise, sans jamais parler des besoins des clients.
Avant tout, nous avons oublié que tous les clients sont différents. Dans ce cas, est-il vraiment normal qu’il existe encore des campagnes full base, où tous les clients reçoivent le même e-mail ?
Un client peut adorer une marque et ses produits et être heureux de recevoir 6 e-mails par semaine, mais beaucoup d’autres préféreront n’en recevoir que 2.
Comment en tenir compte ?
Les entreprises peuvent créer des centres de préférences où les utilisateurs déterminent le nombre d’e-mails qu’ils reçoivent ou les sujets sur lesquels ils souhaitent recevoir des informations. Cette solution est véritablement centrée client, mais il est difficile de répondre aux demandes des category managers avec ce principe.
C’est pourquoi une seule solution peut répondre aussi bien aux objectifs de l’entreprise qu’à l’orientation client : un ciblage performant !
Le ciblage permet de parler des bons produits aux bons utilisateurs à la bonne fréquence.
Les 3 niveaux de gestion de la pression marketing
Pour résumer les options disponibles pour les marketeurs, nous avons défini 3 niveaux de la gestion des pressions.
Niveau 1
En envoyant uniquement des campagnes full base et en limitant le nombre de campagnes à un certain nombre par semaine, vous pouvez facilement limiter la pression exercée sur votre base de clients. Elle pourra être réglée de manière un peu plus fine avec des outils de personnalisation, mais la pression marketing en elle-même restera la même pour tous.
Ainsi, dans notre exemple, l’ensemble de la base de données recevra 4 e-mails par semaine.
Niveau 2
Un moyen facile de cibler est de se baser sur l’activité récente des e-mails (ouverture des e-mails, clics sur les e-mails). Certaines entreprises envoient des campagnes full base chaque semaine (2 par exemple), puis en envoient 2 autres aux utilisateurs actifs uniquement.
Niveau 3
Le niveau 3 est celui où une entreprise crée des ciblages basés sur différents critères, non seulement l’activité e-mail mais aussi les achats, les visites de sites web, les informations socio-démographiques, etc. Cela permet de parler de différents sujets aux différents segments de la base de données clients. La seule limite est que cette approche peut être assez statique et qu’elle conduit à des segments d’audience très réduits pour les plus petites catégories de produits.
L’algorithme de Tinyclues permet à ses clients de créer ce qui serait le 4ème niveau de ciblage par e-mail car les listes cibles créées ne dépendent pas de facteurs humains (ex : « Je devrais envoyer cet e-mail aux femmes de moins de 40 ans vivant dans les grandes villes. ») Les cibles sont identifiées en temps réel par un algorithme de machine-learning.
Ce ciblage permet de parler de sujets variés, de s’adresser aux bonnes personnes avec une fréquence de communication différenciée pour chaque client.
Qu’en est-il du multicanal ?
Il serait faux de penser que la fatigue marketing créée par une marque ne s’applique que sur un seul canal. La solution à l’envoi d’un trop grand nombre d’e-mails n’est pas d’envoyer la même quantité d’e-mails et à ajouter quelques notifications push et SMS.
Le marketing multicanal est un moyen très efficace de s’adresser aux clients, car les marketeurs disposent de différentes options de communication en fonction du message qu’ils veulent faire passer, mais cela n’empêche pas une trop grande pression marketing ressentie.
La stratégie de communication globale doit prendre en compte chaque point de contact et évaluer une pression marketing globale.
Dans le rapport “The State of CRM 2022”, nous avons observé que les meilleures entreprises de leur catégorie utilisent déjà toutes des stratégies multicanales.
L’impact du ciblage
Le rapport annuel mondial sur le marketing 2022 de Nielsen confirme la précision des stratégies de ciblage des marketeurs.
Cette étude ne se concentre pas uniquement sur l’e-mail mais plus globalement sur la nécessité de comprendre les consommateurs et les clients. Elle propose de nombreuses manières pour les entreprises de captiver l’attention de leurs clients et de poursuivre leurs objectifs d’atteindre les bons segments avec les bons messages.
Dans ce rapport, le « ciblage de l’audience » est classé comme le premier facteur influençant positivement les performances des campagnes.
Source : Rapport annuel mondial sur le marketing 2022 de Nielsen
En nous penchant sur de récentes études de Facebook, nous avons identifié un rapport publié en 2020 qui confirme l’importance du ciblage, en corrélation avec la pression marketing.
Ce rapport montre l’évolution des taux de réponse en fonction de la répétition de la publicité.
Il montre que plus la réponse est forte lors de la première impression, plus les autres répétitions ont un impact. Cela peut être interprété comme une illustration du rôle du ciblage.
La meilleure façon d’améliorer le taux de réponse d’une publicité est de l’afficher auprès du bon public. Et la seule façon d’y parvenir est le ciblage. Cela signifie donc que le ciblage permet d’optimiser le taux de réponse de la première impression d’une publicité mais qu’il a également un impact positif sur le taux de réponse lors de la répétition de cette publicité.
Pour conclure
La pression marketing est un sujet important pour les marques depuis que la publicité existe. Les marketeurs CRM ont la possibilité de surveiller et de contrôler la pression marketing qu’ils appliquent à leurs clients.
Envoyer uniquement des campagnes full base n’est pas optimal, même en utilisant des outils de personnalisation, car cela implique que chaque client reçoive le même nombre de messages d’une marque.
Le ciblage CRM offre la possibilité de différencier la pression pour chaque client. Cette approche est orientée client, car elle permet d’adapter le nombre de messages aux attentes de chacun, et elle bénéficie à l’entreprise, car elle permet de répondre aux demandes des category managers de mettre en avant les produits dont ils sont responsables.
Les marketeurs CRM doivent également faire attention au nombre maximum de messages reçus par leur utilisateur car il semble qu’au-delà d’une certaine pression (qui n’est pas la même pour tous les clients), un effet négatif apparaît et peut conduire le client à avoir une opinion négative d’une marque (voire à carrément se désabonner des e-mails de la marque !)
Si un client se sent trop sollicité sur un canal donné, les entreprises doivent apprendre à ralentir et essayer de trouver des moyens de les engager autrement.
À l’avenir, les entreprises qui seront capables de créer une approche marketing « push and pull », ne se contentant pas de pousser les produits mais permettant également à leurs clients d’interagir réellement, auront les meilleures chances d’optimiser leur image de marque et leurs résultats.
Sources
- « Quelle est la répétition optimale pour une publicité Facebook », NeoMedia
- « How to Notify Users Without Being Spammy », Growth.Design
- « Surmonter la fatigue marketing sur tous les canaux », Behavioural Response
- « Effective Frequency: Reaching Full Campaign Potential », Meta
- « The Law of Diminishing Returns », Personal Excellence
- Le rapport Tinyclues “The State of CRM 2022”